19 février 2020
Avec ses fiches ludiques, le nouveau kit pédagogique « Poissons Coquillages et Crustacés » — proposé par France Filière Pêche [1] et destiné aux élèves de CM1 et CM2 — entend encourager les enfants à manger plus de poisson. Il s’agit de les éduquer à « la santé, la biodiversité, la responsabilité citoyenne vis-à-vis de l’environnement ». Mais dans les faits, ce kit ment surtout sur les véritables recommandations en termes de consommation et occulte par ailleurs d’importantes questions sur la surpêche, la saisonnalité des poissons, les métaux lourds, ou l’impact environnemental de la pêche. foodwatch et BLOOM dénoncent également l’ambiguïté de ce kit qui fait référence au Ministère de l’Education nationale alors que ce dernier n’a pas validé son contenu. A y regarder de plus près, ce kit est en réalité sponsorisé par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, dans le but de soutenir la filière de la pêche et de l’aquaculture.
BLOOM et foodwatch s’insurgent contre le matériel promotionnel de la filière industrielle des produits de la mer, au contenu fortement biaisé et trompeur. Ce kit pédagogique, destiné aux élèves de CM1 et CM2, garde notamment le silence sur les questions qui fâchent, pourtant essentielles si l’on entreprend de sensibiliser de façon objective les générations futures. Ce kit est également annoncé comme étant soutenu par le Ministère de l’Éducation nationale, alors qu’il est en réalité le fruit d’une collaboration avec le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et que le Ministère de l’Education n’en a pas eu connaissance.
« Nous dénonçons cette opération de désinformation des enfants sur les poissons et crustacés et ce, au sein même des écoles : une pratique inacceptable qui vise à occulter les sujets de fond comme les véritables recommandations nutritionnelles, les polluants, la surpêche, l’impact de la pêche sur les écosystèmes marins », soulignent Ingrid Kragl, directrice de l’information de foodwatch et Sabine Rosset, directrice de BLOOM.
Les objectifs affichés du kit « pédagogique » semblaient pourtant louables sur le papier : « Réalisé en collaboration avec des pédagogues et des enseignants (…), son objectif est de permettre aux plus jeunes de découvrir les acteurs, les métiers et les produits de la pêche et de l’aquaculture et de développer la consommation de produits aquatiques chez les jeunes. » Pour montrer patte blanche auprès des enseignants, le kit indique être le fruit d’une collaboration à priori rassurante : « France Filière Pêche, le Comité National de la Conchyliculture (CNC) et le Comité Interprofessionnel des Produits de l’Aquaculture (CIPA) se sont associés dans le cadre d’une grande campagne de valorisation des produits aquatiques, soutenue par l’UE, le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et le Ministère de l’Education nationale ».
Problème n°1: après vérification, le ministère de l’Education nationale n’a pas du tout validé le contenu du kit.
Problème n°2 : pour inciter à manger davantage de produits de la pêche, le kit ment sur les recommandations nutritionnelles officielles en annonçant dès les premières pages du ‘Guide de l’enseignant’ : « Bien que les recommandations du PNNS (Programme national nutrition santé, ndlr) soient de manger du poisson, des coquillages et/ou des crustacés au moins 2 fois par semaine… ». C’est faux. La recommandation du PNNS est de manger du « Poisson : 2 fois par semaine, dont un poisson gras (sardines, maquereau, hareng, saumon, truite fumée) ». Et non davantage, comme écrit dans le kit.[2]
Problème n°3 : pour constituer un véritable outil pédagogique, bon nombre d’informations supplémentaires auraient dû s’y trouver, soulignent BLOOM et foodwatch. La responsabilité citoyenne vis-à-vis de l’environnement marin vaguement promise en introduction est la grande absente de ce kit. Plusieurs éléments d’importance pour nourrir la réflexion des élèves sur la consommation durable des produits aquatiques sont manquants ou à peine évoqués, regrettent les deux organisations.
> en savoir plus sur la pêche minotière
Conclusion : nous demandons à ce que ce kit pédagogique soit retiré des classes où il a été envoyé, ou, à défaut, qu’un complément soit envoyé par le Ministère de l’Education, comportant les éléments cités ci-dessus.
Le kit pédagogique dans son intégralité
[1] France Filière Pêche est une organisation interprofessionnelle qui regroupe les acteurs du secteur de la pêche : producteurs, mareyeurs, grossistes, transformateurs, grande distribution et poissonniers détaillants en France. Sa gouvernance est assurée par : Jacques Woci, ancien directeur général d’Intermarché Entreprises, Philippe Mérabet, président de la centrale d’achat et de référencement des coopératives d’avitaillement Cecomer, Gaëtan de Lamberterie, directeur de la marée pour le groupe Carrefour, Damien Levallois, Directeur général de l’entreprise Société Nouvelle de Pêcherie de Normandie (CA : plus de 9 millions d’€), Peter Samson, Secrétaire Général à l’Union du Mareyage Français (le mareyage représente 65% du CA des criées françaises), Bernard Benassy, directeur de la SCAPP (Société Coopérative Artisanale de Poissonniers Professionnels), Olivier Le Nézet, Président du Comité des Pêches de Bretagne, Bertrand Wendling, directeur général de la Société Coopérative Maritime des Pêcheurs de Sète Môle / SATHOAN.
[2] Recommandation PNNS officielle https://www.mangerbouger.fr/Les-recommandations/Aller-vers/Le-poisson
Celle de l’Anses est « consommer du poisson deux fois par semaine en associant un poisson gras à forte teneur en oméga 3 (saumon, sardine, maquereau, hareng, truite fumée) et un poisson maigre ».
Recommandations pour enfants : Ameli https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/alimentation-3-18-ans/aliments-consommer-quotidien, Santé publique France https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/121813/file/154265_1387.pdf et PNNS pour les 3 – 11 ans https://www.mangerbouger.fr/Manger-mieux/Manger-mieux-a-tout-age/Enfants/De-3-a-11-ans/Lui-faire-plaisir-et-veiller-a-sa-sante
Polluants, recommandation Anses : https://www.anses.fr/fr/content/consommation-de-poisson-deau-douce-et-impr%C3%A9gnation-aux-pcb-une-%C3%A9tude-nationale
[3] Les trois-quarts de cette pêche, que l’on appelle minotière, sont dédiés à l’aquaculture : Cashion et al. (2017) Most fish destined for fishmeal production are food-grade fish, Fish and Fisheries 18(5) 837–844.
[4] Surpêche et stocks, cf. : FAO (2018) The state of world fisheries and aquaculture — Meeting the Sustainable Development Goals, Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO), Rome (Italy), p. xiv + 210. Voir aussi : Froeseet al.(2018) Status and rebuilding of European fisheries, Marine Policy 93159-170, et STECF (2019) Scientific, Technical and Economic Committee for Fisheries — 60th plenary meeting report (PLEN-19-01), in: Ulrich and Doerner (Eds.) Scientific, Technical and Economic Committee for Fisheries (STECF), Ispra (Italy), p. 161.
[5] Obligation de l’Etiquetage des poisons sauvages : https://ec.europa.eu/fisheries/cfp/market/consumer-information_fr
05 février 2014
23 septembre 2019
Suite aux violences qui ont eu lieu lors de la Marche pour le climat samedi 21 septembre 2019 à Paris, BLOOM condamne la tournure inacceptable qu’ont pris les événements et le mépris, sans commune mesure, dont le président Macron a fait aujourd’hui preuve alors qu’il se rend à New York pour assister à l’Assemblée générale de l’ONU.
10 octobre 2000