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07 avril 2020

COVID-19 : Préservons la petite pêche pour sauvegarder le bien commun et notre avenir

La crise sanitaire mondiale que nous traversons nous confronte de manière brutale et nécessaire à la manière dont nous traitons les personnes qui, au quotidien, sont en première ligne pour protéger le bien commun.

Alors que depuis plus de cinquante ans, la prédation des flottes industrielles associée à des politiques publiques déficientes a mis en péril l’avenir de la pêche et contribué à une destruction sans précédent de l’océan, les petits pêcheurs côtiers luttent dans le contexte de crise actuelle pour assurer la pérennité d’une pêche qui permette la préservation de l’océan et de notre avenir.

La petite pêche, un secteur stratégique pour la lutte contre le changement climatique

La surpêche est la première cause de destruction de l’océan. Elle est le résultat direct d’une course aux innovations technologiques lancée il y a plus de cinquante ans par la pêche industrielle et ayant favorisé la concentration des richesses entre les mains de quelques acteurs. Le but ? Pêcher toujours plus vite, toujours plus loin et toujours plus profond pour maximiser les profits. La pêche en eaux profondes, la pêche électrique, la senne danoise ou les énormes chalutiers pélagiques qui pillent les mers en sont quelques exemples.

Face au rouleau compresseur que représente la pêche industrielle, les petits pêcheurs côtiers sont les garants de la transition vers une pêche durable, la seule permettant d’assurer l’avenir de l’océan. En effet, en raison des méthodes de pêche généralement plus douces, des faibles volumes de captures et d’une bonne valorisation, la petite pêche contribue à la préservation des écosystèmes marins. En outre, elle pourvoit beaucoup plus d’emplois que la pêche industrielle : 14% des volumes pêchés, pour 52% des emplois [1] .

Dynamiques de la crise actuelle

Au cours des dernières semaines, la fermeture soudaine des restaurants puis des marchés et la réduction inédite des exportations ont entraîné une chute sans précédent de la consommation de poisson en France. Alors qu’elle aurait permis aux petits pêcheurs d’écouler leurs captures, la vente à quai est également interdite sauf lorsque des dérogations sont accordées par les préfets. Sans surprise, les prix se sont effondrés. Les pêcheurs ont donc été contraints de vendre leur poisson à un prix dérisoire — parfois quelques centimes d’euro au kilo — ou de le jeter. Les Organisations de producteurs (OP) ont racheté le poisson de leurs adhérents en appliquant le prix de retrait, un prix minimal garanti toute l’année y compris en l’absence de demande. Quant aux criées, certaines ont fermé (Dunkerque, Port-la-Nouvelle, Royan, etc.) alors que d’autres ne fonctionnent qu’à temps partiel. À Rungis, le secteur du poisson a chuté à hauteur de 80 à 85%. Depuis, les cours sont remontés, certaines criées ont rouvert mais les volumes vendus restent faibles et le marché est encore très fragile.

Désormais, les pêcheurs font face à un dilemme : rester à quai pour éviter toute contamination mais sans aucune garantie de percevoir des aides [2] ou prendre le risque d’aller pêcher sans aucune garantie de débouché. La situation évolue rapidement mais, en l’absence d’un soutien financier garanti, les pêcheurs sont de plus en plus nombreux à reprendre la mer. Cet arrêt de l’activité va donc nuire plus particulièrement aux entreprises de pêche qui ne disposent que d’une faible trésorerie. Tributaires de la météo, celles-ci ont déjà passé un hiver particulièrement éprouvant et sont donc plus vulnérables que jamais. Cette crise risque de leur porter un coup fatal si aucune mesure n’est prise pour les aider à y faire face.

La situation des pêcheurs est également variable selon les métiers et les régions. Les fileyeurs du Nord sont par exemple dans une situation alarmante : ils remontent depuis plusieurs mois des filets vides en raison de l’impact de la pêche électrique — toujours autorisée dans une certaine mesure jusqu’en juin 2021 — sur la sole. Alors qu’ils réclamaient l’année dernière un arrêt biologique pour laisser la sole repeupler la mer du Nord, celui-ci a été refusé. En revanche, les ligneurs de Bretagne sont habituellement à l’arrêt total pendant que le bar se reproduit, jusqu’au 15 mars.  

Il apparait donc essentiel que la diversité qui constitue la richesse de la petite pêche soit prise en compte dans la mise en œuvre des aides. Une politique d’aides appliquées de manière monolithique bénéficierait uniquement à la pêche industrielle et supposerait la destruction du tissu de la petite pêche côtière. 

L’opportunisme de la grande distribution

Depuis le mois de mars, la peur de la pénurie a encouragé les citoyens à constituer des réserves de denrées alimentaires, en particulier des conserves de poisson et des produits surgelés. En général, ces produits sont issus de la pêche industrielle (thon, cabillaud etc.) ou de l’aquaculture (saumon). Par ses recommandations, l’ONU fait largement le jeu des industriels en encourageant la consommation de thon en conserve sur Twitter. De grandes enseignes, et notamment Carrefour, privilégient depuis des années le label trompeur MSC, c’est-à-dire une pêche quasi exclusivement industrielle. Leclerc va même jusqu’à promouvoir du poisson d’élevage — loin d’être une solution — tout en faisant culpabiliser le consommateur avec le message : “Mangez du poisson frais français sinon les pêcheurs vont rester à quai”. Après avoir mis à genoux la petite pêche côtière, les grandes surfaces jouent donc les bons samaritains et se refont une virginité en se vantant sur les réseaux sociaux de s’approvisionner en pêche française afin de soutenir le secteur.

BLOOM conseille plutôt aux citoyens désirant consommer du poisson de privilégier les circuits courts et les AMAP (voir la section pour “aller plus loin”). L’offre étant considérablement réduite, il est toujours possible d’acheter son poisson en grandes surfaces mais en choisissant les produits issus de techniques de pêche à faibles impacts.

Le saccage par les chalutiers géants

Il y a quelques jours, BLOOM dénonçait la présence de quatre chalutiers géants dans le Golfe de Gascogne alors que les pêcheurs côtiers étaient, eux, forcés de rester à quai. Ces navires sont la propriété de deux multinationales néerlandaises : Parlevliet & van der Plas et Cornelis Vrolijk, à la tête d’un empire tentaculaire dans toute l’Europe. Par exemple en France, la compagnie France Pélagique qui détient deux chalutiers géants, le Sandettie et le Prins Bernhard, est une filiale de Cornelis Vrolijk. Son ancien directeur général,[3] Antoine Dhellemmes, est aussi le vice-président du Comité national des pêches et président de l’OP FROM Nord qui gère plus de 128 000 tonnes de quotas en France, soit près de 40% du quota national.

Cette présence très forte des intérêts néerlandais dans la pêche française n’est pas anodine et explique en grande partie la trahison continue des petits pêcheurs côtiers par les représentants officiels de la pêche française. Pour rappel, lors du vote sur la pêche électrique au Parlement européen en janvier 2018, le Comité national des pêches avait demandé aux députés européens de voter en faveur des amendements qui auraient permis le développement à grande échelle de la pêche électrique en Europe ![4]

La cupidité de la pêche industrielle néerlandaise

Le ralentissement des activités destructrices pourrait représenter une période de repos biologique bienvenue pour certaines espèces marines. Si des mesures sont mises en place, toute compensation financière accordée devra être vue comme une manière d’investir dans le capital naturel pour laisser la nature se reposer. Mais certains y voient au contraire une opportunité pour, une fois la crise passée, demander une augmentation des quotas de pêche pour « rattraper le temps perdu”. Ainsi l’industrie néerlandaise annonce avoir d’ores et déjà obtenu un report de son quota annuel de 10% pour 2021 si celui-ci n’est pas utilisé en 2020, et continue de faire pression pour que cette part passe à 25%. Une logique prédatrice dont le seul but est de satisfaire quelques intérêts privés, bafouant l’intérêt commun, et qui permettrait de renforcer l’emprise déjà énorme de la pêche industrielle néerlandaise en Europe.

BLOOM continue en cette période de crise son engagement auprès des petits pêcheurs côtiers. Nous suivrons de près l’ensemble des mesures annoncées dans les semaines à venir et vous tiendrons informés de nos prochaines actions.

Notes et références

[1] Voir le rapport du CSTEP de 2019 disponible à : https://ec.europa.eu/jrc/en/publication/scientific-technical-and-economic-committee-fisheries-stecf-2019-annual-economic-report-eu-fishing

[2] Les entreprises peuvent bénéficier d’un report de charges et de leurs échéances bancaires de 6 mois. Si la perte de leur chiffre d’affaires est supérieure à 50%, les patrons peuvent être indemnisés à la hauteur de 1500 euros. Les matelots peuvent bénéficier du chômage partiel, un montant forfaitaire qui dépend de la catégorie du matelot.

[3] Depuis janvier 2020, son fils Geoffroy Dhellemmes a pris la direction de France Pélagique selon un article publié dans Le Marin le 2 avril 2020.

[4] A cette époque, une autre figure influente entretenait également des liens étroits avec l’industrie néerlandaise : Hervé Jeantet, président de FranceAgriMer, était alors directeur général de l’armement Dhellemmes. En 2014, M. Jeantet voulait que la pêche électrique soit testée dans le Golfe de Gascogne selon un article paru dans le quotidien régional Ouest France.

Pour aller plus loin

BLOOM a fait un tour d’horizon des initiatives afin d’aider les consommateurs qui désirent acheter du poisson.

Au niveau national

Pleine Mer a créé une carte interactive qui regroupe les circuits-courts de la filière pêche : vente à quai et AMAP.

Le Marché Vert a également établi une carte avec quelques points de vente pour acheter du poisson en circuit-courts.

Si vous n’habitez pas en bord de mer, Poiscaille livre du poisson pêché par de petits artisans dans toute la France.

Par région

> Dans les Hauts-de-France :

Les Aubettes à Dunkerque, à Calais et à Boulogne-sur-Mer sont ouvertes quelques jours par semaines.

> En Normandie :

Normandie Fraîcheur Mer regroupe tous les points de vente de la région Normandie et notamment la vente à quai, les marchés, et les poissonneries de quartier.

> En Bretagne :

La Région Bretagne a créé une plateforme pour relier les producteurs et les consommateurs (disponible à partir du 9 avril 2020)

> En Méditerranée

La vente à quai est une tradition en Méditerranée. Les pêcheurs maintiennent un point de vente en période de COVID-19 si le maire de la ville l’autorise (dérogation accordée par le préfet).

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