Au début des années 1990, les subventions publiques ont été identifiées comme étant l’une des principales causes de la surpêche à l’échelle mondiale. Aussi, l’interdiction de certaines subventions jugées néfastes est-elle considérée comme un levier essentiel pour lutter contre la surexploitation des ressources halieutiques.
Chiffres clefs
En augmentant les capacités de production et en rendant certains segments artificiellement rentables, les subventions publiques incitent les pêcheurs à accroître continuellement leurs captures sans tenir compte des signaux alertant sur l’état des ressources et qui devraient normalement les conduire à réguler leur activité.
Pour moderniser les flottes, les États ont accordé de nombreuses aides financières au secteur de la pêche après la Deuxième Guerre mondiale. En retour, ces injections massives de capitaux ont favorisé la surcapacité chronique des flottes (trop de bateaux qui sont également trop puissants) et contribué, de fait, au maintien d’une pression disproportionnée sur des ressources de plus en plus rares.
La pêche ne suit pas les règles classiques de production car elle repose sur l’exploitation d’une ressource sauvage: on ne « produit » pas du poisson, on le « cueille ». Normalement, plus on investit dans les moyens de production d’une entreprise et plus cette production augmente. Si par exemple toutes les entreprises de chaussures construisent de nouvelles usines, alors la production totale de chaussures va augmenter en conséquence. Dans la pêche, c’est l’inverse qui se passe. Au-delà d’un certain seuil, l’augmentation du nombre de bateaux n’entraîne pas une augmentation du niveau global des captures. Au contraire, elles commencent même à diminuer car les stocks de poissons n’arrivent plus à se renouveler suffisamment.
Pour maintenir ses captures et ses bénéfices, chaque navire va donc être tenté d’augmenter ses efforts, en passant plus de temps en mer ou encore en utilisant des méthodes encore plus efficaces. C’est ce cercle vicieux de la surpêche qui conduit le secteur à couper lui-même la branche sur laquelle il est assis. Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, il faudrait donc commencer par pêcher moins pour ensuite pouvoir pêcher plus. À condition bien sûr que la reconstitution des stocks – partielle ou totale – ne donne pas de nouveau lieu à une augmentation de l’effort…
Lutter contre la surpêche implique donc d’endiguer la surcapacité des flottes en régulant le nombre de bateaux, leur puissance, les engins qui sont utilisés etc. Une telle approche est par conséquent incompatible avec le fait d’accorder des subventions « néfastes », c’est-à-dire des subventions qui permettent, justement, de maintenir la surcapacité des flottes de pêche et encouragent donc la surpêche.
Une subvention est définie comme une contribution financière accordée par un État ou un organisme public à un opérateur privé et conférant à ce dernier un bénéfice.
On distingue deux types de subventions :
Cette première classification n’est pas la seule. Il est en effet possible de catégoriser les subventions suivant d’autres critères, notamment économiques, sociaux, environnementaux etc.
On distingue trois grandes catégories de subventions :
D’après les dernières estimations disponibles, le secteur mondial de la pêche a bénéficié de 35,4 milliards de dollars d’aides en 20181Sumaila Ussif Rashid et al., « Updated Estimates and Analysis of Global Fisheries Subsidies », Marine Policy, 109, 2019.. Sur ce total, 22,2 milliards ont soutenu des mesures néfastes, c’est-à-dire des mesures qui encouragent la surcapacité des flottes et la surpêche. Cinq entités politiques allouent 58% de ce montant global : 1) la Chine, 2) l’Union européenne, 3) les États-Unis, 4) la Corée et 5) le Japon.
La pêche artisanale ne reçoit que 19% de cette enveloppe, tandis que la pêche industrielle en a bénéficié à plus de 80%2 Schuhbauer Anna et al., « The Global Fisheries Subsidies Divide Between Small- and Large-Scale Fisheries », Frontiers in Marine Science, 7, Sept. 2020. . D’après ces estimations, 64% des financements que les industriels reçoivent sont constitués de subventions néfastes, dont 40% sont en fait des aides aux carburants.
Au début des années 2000, l’Union européenne a pris toute une série de mesures afin d’endiguer la surexploitation des stocks. Les États membres se sont notamment accordés pour ne plus soutenir financièrement la construction de navires neufs tout en instaurant des programmes visant à réduire le nombre de navires de pêche. Ces dispositions ont permis d’enregistrer des améliorations substantielles, sans pour autant atteindre l’intégralité des objectifs de durabilité que l’Union européenne s’était fixés1 Skerritt et al., « A 20-year Retrospective on the Provision of Fisheries Subsidies in the European Union », ICES Journal of Marine Science, Sept. 2020.
Depuis quelques années, l’Union européenne a néanmoins réouvert en grand les vannes financières afin de sauvegarder économiquement le secteur qui a été impacté par une succession de crises (COVID, Brexit, augmentation des coûts du gasoil provoqué par la guerre en Ukraine). En France, par exemple, les critères fixés par le ministère de l’Agriculture pour indemniser les arrêts temporaires de pêche durant le COVID ont permis à une trentaine d’entreprises de capter 32,8% des aides alors qu’elles ne représentent que 3% de la flotte. À l’inverse, la petite pêche côtière n’a reçu que 8,7% de cette enveloppe alors qu’elle représente 74,5% de la flotte française.
28 octobre 2020
29 octobre 2021
15 juillet 2021