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10 mars 2025

La grande déréglementation de l’Union européenne

La désastreuse proposition Omnibus érode les engagements de l’UE en matière de responsabilité des entreprises et torpille les droits humains et la protection de l’environnement.

La publication par la Commission européenne de sa proposition Omnibus révisant les principales lois sur le développement durable des entreprises envoie un signal politique clair : La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a décidé de réduire les droits de l’homme, les droits des travailleurs et la protection de l’environnement en faveur d’une déréglementation dangereuse. Le Conseil et le Parlement doivent d’urgence faire preuve de leadership en bloquant cette proposition préjudiciable, qui met en péril les objectifs au cœur de ces lois et sape non seulement l’engagement de l’UE envers ses ambitions écologiques et la protection des droits de l’homme, mais aussi sa crédibilité en tant que législateur fiable.

La proposition Omnibus affecte des lois cruciales adoptées dans le cadre du Green Deal de l’UE, notamment la Directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CSDDD), Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises (CSRD) et le Règlement sur la Taxonomie verte. Ces lois imposent des pratiques commerciales responsables, introduisent l’obligation de rendre des comptes pour les entreprises qui violent les droits de l’homme et portent atteinte à l’environnement, et permettent aux victimes d’avoir accès à la justice. Elles visent également à améliorer la transparence des rapports sur le développement durable et à orienter les investissements durables. Tous ces éléments sont essentiels pour que l’UE atteigne son objectif de devenir le premier continent neutre sur le plan climatique d’ici à 2050.

Lorsque la présidente Ursula von der Leyen a annoncé, à la fin de l’année dernière, une proposition Omnibus visant à simplifier les obligations des entreprises en matière d’information et de développement durable, elle s’est engagée à respecter pleinement l’esprit et le « contenu de la loi » et a déclaré que l’objectif de l’exercice était de réduire les obligations qui se chevauchent. La proposition publiée le 26 février s’écarte radicalement de cette promesse et, si elle est mise en œuvre, elle réduira à néant l’objectif principal de ces lois.

La proposition Omnibus supprimerait de nombreuses dispositions clés de la directive sur le devoir de vigilance, ce qui la rendrait pratiquement inopérante. Elle retarderait également d’un an la transposition de la directive par les États membres de l’UE. Si elle est mise en œuvre, cela pourrait se traduire dans la pratique par :

  • La responsabilité civile sera laissée dans une large mesure à l’appréciation des États membres de l’UE, ce qui pourrait réduire considérablement l’accès des victimes à la justice devant les tribunaux de l’UE. Les actions représentatives sont supprimées, ce qui signifie que les organisations non gouvernementales, les syndicats et les institutions de défense des droits de l’homme pourraient ne pas être en mesure de représenter les victimes devant les tribunaux.
  • Les entreprises ne seront tenues d’évaluer que les préjudices imputables à leurs partenaires commerciaux directs, ce qui réduit considérablement la couverture juridique de l’entièreté de la chaîne de valeur. Il est en outre précisé que si l’entreprise dispose d’ « informations plausibles » sur les impacts des partenaires indirects, elle doit les prendre en compte, mais cette demande repose largement sur de la libre interprétation.
  • Il n’y a plus d’obligation de « mettre […] en œuvre » les plans de transition climatique, ce introduirait une faille dangereuse, permettant aux entreprises de se conformer à la disposition, en théorie, en produisant simplement un plan sur papier, plutôt qu’en le mettant en œuvre.
  • Les États membres de l’UE ne seraient plus en mesure d’établir des règles plus ambitieuses que la directive en ce qui concerne l’identification, la prévention et l’atténuation des impacts sur les droits de l’homme et l’environnement, ainsi que la mise en place d’un mécanisme de réclamation et de monitoring.
  • Les entreprises ne devront plus résilier les contrats avec les prestataires même dans les cas où il est possible ou probable que les abus commis se poursuivent.
  • L’engagement des parties prenantes sera réduit aux personnes « directement » concernées, ce qui signifie que les groupes de consommateurs, les institutions nationales des droits de l’homme, les organisations non gouvernementales et les défenseurs des droits de l’homme sont exclus de cette définition. En outre, la consultation des parties prenantes « concernées » n’est plus nécessaire.
  • La fréquence du contrôle de l’efficacité des mesures de vigilance est ramenée de tous les ans à tous les cinq ans, ou lorsque « les mesures ne sont plus adéquates ou efficaces ». Cette disposition risque de rendre l’exercice de vigilance largement inefficace.
  • La suppression du plafond minimum de sanctions de 5 % du chiffre d’affaires, ce qui peut conduire à des sanctions plus faibles et symboliques et déclencher un nivellement par le bas entre les États membres.
  • La Commission n’est plus obligée d’examiner la nécessité d’appliquer des règles de vigilance aux services financiers et aux activités d’investissement dans le cadre d’une future révision de la loi.

En outre, la proposition Omnibus envisage des changements substantiels à la CSRD, qui a déjà transposée par la plupart des États membres de l’UE. Par conséquent, la proposition de reporter de deux ans l’application de la directive CSRD pour certaines entreprises (2e et 3e vagues) crée une incertitude pour celles qui ont déjà commencé à se préparer à la mise en œuvre. En outre, la Commission propose de réduire considérablement le champ d’application, en excluant des obligations en matière de rapports sur le développement durable environ 80 % des entreprises. Cela réduira considérablement la disponibilité et la fiabilité des données sur le développement durable. Enfin, la façon dont la Commission propose aux très grandes entreprises de limiter les demandes de données aux fournisseurs de taille moyenne ou grande est préoccupante.

La durabilité et la responsabilité des entreprises sont essentielles pour que les pays européens évoluent vers une économie au service des personnes et de la planète, ainsi que pour attirer des investissements durables et à long terme. Ces lois ont le potentiel de promouvoir des chaînes d’approvisionnement plus résilientes, d’apporter une clarté juridique et une stabilité à toutes les parties prenantes. C’est faire preuve d’un manque de vision que de retirer le moteur du véhicule qui peut aider les entreprises à assumer leurs responsabilités en matière de droits de l’homme.

Nous demandons donc au Conseil de l’UE et au Parlement européen de veiller à ce que, lors des prochaines négociations législatives, la proposition Omnibus soit révisée afin de garantir le rejet de tout amendement visant à affaiblir la Directive sur le devoir de vigilance. Toute discussion sur la CSDDD devrait être strictement limitée aux mesures interprétatives telles que les orientations et les actes délégués, et le texte de loi lui-même ne devrait faire l’objet d’aucune révision. En ce qui concerne la CSRD, le Parlement européen et le Conseil devraient abaisser les seuils des entreprises du champ d’application et donner aux entreprises de taille moyenne une norme proportionnée. Les limitations concernant les demandes de données devraient être retravaillées.

Le monde observe l’Europe pour y trouver des orientations et de la stabilité. L’UE a l’occasion de rester fidèle à ses ambitions écologiques et à ses engagements en matière de droits de l’homme en protégeant ces lois essentielles sur la durabilité et en reconnaissant que la promotion de pratiques commerciales durables favorisera en fin de compte un environnement plus stable qui donnera à l’UE un avantage à long terme.

Contexte :

La proposition Omnibus a été publiée à l’issue d’un processus précipité et opaque. Début février, la Commission a organisé une table ronde à huis clos de deux jours avec un petit groupe de parties prenantes triées sur le volet. Lors de cette consultation, les représentants des entreprises étaient bien plus nombreux que les syndicats et les ONG présents. Ce court délai, combiné à une consultation interservices qui n’a duré que 24 heures au cours du week-end, n’est pas conforme aux lignes directrices de la Commission pour une meilleure réglementation (Better Regulation Guidelines). La proposition Omnibus est publiée alors que d’innombrables parties prenantes expriment publiquement leurs inquiétudes quant à son impact potentiel. En janvier déjà, 170 organisations représentant des membres de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme et de l’environnement, des syndicats et des activistes climatiques, ont conjointement décrié le projet Omnibus. De nombreuses autres voix de premier plan issues d’une grande variété de secteurs se sont également opposées publiquement à la proposition, comme en témoigne le déluge de déclarations publiques et de lettres envoyées à la Commission européenne au cours des dernières semaines : des organisations de la société civile en Europe et dans le Sud, des syndicats, des grandes entreprises et des associations professionnelles, des investisseurs responsables, des économistes et des chercheurs, des juristes et des praticiens du développement durable, ainsi que le groupe de travail des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme.

Le communiqué de presse et la liste complète des signataires sont disponibles ci-dessous.

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