24 mai 2023
En amont de l’Assemblée générale de TotalEnergies, alors que citoyens et scientifiques dénoncent les investissements fossiles de l’entreprise et appellent ses actionnaires à voter contre sa prétendue « stratégie climat », BLOOM publie une enquête inédite « Le joker ENR » qui révèle l’instrumentalisation faite par TotalEnergies de ses investissements dans les énergies renouvelables pour masquer ses investissements fossiles et « verdir » ses plateformes pétrolières.
En analysant tous les communiqués officiels de l’entreprise depuis le 1er janvier 2021, nous constatons que TotalEnergies a annoncé 30 nouveaux projets fossiles au cours des deux dernières années, au mépris du GIEC et de l’Agence internationale de l’énergie. Dans 66% des cas, TotalEnergies évoque simultanément des projets dans les énergies renouvelables pour tenter de rendre ses projets climaticides plus acceptables et faire miroiter la chimère alchimiste d’énergies fossiles « propres ».
En utilisant les renouvelables comme un véritable joker dans sa communication publique, c’est une fabrique du doute aux dimensions industrielles que TotalEnergies déploie sous nos yeux avec la complicité de l’Élysée, et au prix de mensonges éhontés de son PDG, Patrick Pouyanné, à l’Assemblée nationale.
BLOOM a enquêté sur l’ensemble des nouveaux projets de TotalEnergies à travers le monde, qu’il s’agisse d’énergies fossiles ou renouvelables, et a découvert qu’aux Etats-Unis, au Qatar, au Brésil, en Ouganda, en Angola, en Irak et ailleurs dans le monde, TotalEnergies met en œuvre une politique cynique consistant à déployer des énergies renouvelables en marge de ses nouveaux projets d’extraction d’énergies fossiles afin de « verdir » ses infrastructures climaticides. TotalEnergies pousse le vice jusqu’à alimenter certains de ses sites fossiles avec de l’éolien et du solaire pour s’autoriser à parler de gaz ou de pétrole « propres » et chasser au second plan son bilan carbone désastreux.
Depuis la publication en 2021 du nouveau scénario de l’Agence internationale de l’énergie, la feuille de route de la communauté internationale est pourtant claire : aucun nouvel investissement dans l’exploration et la production de nouveaux gisements fossiles ne doit être approuvé si l’on souhaite limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C. Notre enquête montre que TotalEnergies s’est totalement affranchi du respect de cette injonction pourtant existentielle : depuis le 1er janvier 2021, 30 nouveaux projets fossiles ont été annoncés par TotalEnergies en dépit des recommandations scientifiques (1).
Notre analyse montre que les énergies renouvelables sont instrumentalisées par TotalEnergies et utilisées comme joker dans une stratégie bien rodée qui fait désormais système : dans 66% de ses communiqués faisant état de nouveaux projets fossiles, TotalEnergies met en avant des investissements renouvelables qui ne changent en rien la nocivité de ses nouveaux projets fossiles. Pis encore : l’éolien et le solaire développés par TotalEnergies sont parfois détournés de leur visée première, qui est d’alimenter le réseau électrique en énergie renouvelable, pour « verdir » ses sites gaziers et pétroliers, comme s’il était possible de décarboner les énergies fossiles et d’honorer la chimère alchimiste de TotalEnergies de fournir « du pétrole et du gaz (…) plus propres » (2). Le cynisme est poussé à son paroxysme.
Des ingénieurs œuvrant dans le secteur des énergies renouvelables nous ont fait part de leur colère et de leurs inquiétudes face au détournement des investissements « verts » opérés par TotalEnergies. Désireux de mettre leurs compétences et leurs convictions au service de la transition énergétique, ayant vu durant des décennies les majors pétrolières nier le réchauffement climatique et la nécessité de financer la R&D dans les énergies renouvelables pour sortir des énergies fossiles, ils refusent de voir les énergies renouvelables dévoyées et dénoncent tour à tour « l’ineptie » et « la menace » que ce greenwashing représente.
A l’opposé des déclarations de bonnes intentions, TotalEnergies s’apprête ainsi à dégoupiller une série de nouvelles bombes climatiques, misant sur ses investissements dans les énergies renouvelables – qui représentaient moins de 20% de ses investissements en 2022 (3), et qui ne représenteront que 15% de son mix énergétique à horizon 2030 (4) – pour faire accepter ses projets mortifères.
Le tout avec la complicité de l’Élysée, et au prix de mensonges éhontés de la part de son PDG, Patrick Pouyanné, à l’Assemblée nationale.
Notre enquête raconte l’histoire d’énergies vertes dévoyées, de chiffres manipulés, et d’une politique systématique de déni de l’urgence climatique qui multiplie ses cibles tout autour de la planète.
BLOOM appelle le groupe TotalEnergies, ses actionnaires et ses financeurs à abandonner immédiatement et définitivement le développement de nouveaux projets fossiles mettant l’avenir imminent de la biosphère en péril.
(1) BLOOM a analysé l’ensemble des communiqués de presse produits par TotalEnergies du 1er janvier 2021 au 15 mai 2023, soit 313 communiqués.
(2) TotalEnergies (2023) Notre ambition dans le pétrole et le gaz
(3) TotalEnergies (2022) Global strengths, global results. Sur les 16,3 milliards de dollars investis par TotalEnergies en 2022, seuls 3,6 milliards de dollarssont allés aux énergies «bas-carbone». Qui concernent les renouvelables, mais aussi… les centrales à gaz!.
(4) Reclaim Finance (2023) Évaluation des stratégies climat des entreprises pétro-gazières