À exactement deux mois de la dernière session plénière du Parlement européen avant les élections, les négociateurs n’ont plus droit à l’erreur s’ils veulent faire aboutir la réforme du règlement « Mesures techniques » entamée il y a dix ans et qui comprend les dispositions relatives à l’usage du courant électrique comme technique de pêche.
L’équilibre des forces s’est transformé radicalement depuis que BLOOM a commencé à révéler une série de dysfonctionnements graves liés au dossier de la pêche électrique ainsi que des pratiques frauduleuses et illégales, désormais avérées et mettant en cause les lobbies de la pêche industrielle aux Pays-Bas.
Chronologie express
- Pour rappel, BLOOM a révélé en octobre 2017, en portant plainte contre les Pays-Bas, que 83% des licences de pêche électrique des néerlandais étaient illégales. Le 1er février 2019, sur injonction de la Médiatrice européenne, la Commission a confirmé à BLOOM le bienfondé de notre plainte et affirmé vouloir ouvrir une procédure officielle d’infraction contre les Pays-Bas. La décision finale revient au Collège des Commissaires. Jean-Claude Juncker, interrogé par BLOOM, n’a toujours pas précisé quand cette décision serait prise.
- En janvier 2018, BLOOM a révélé que la décision de la Commission européenne d’autoriser l’électricité, considérée jusqu’en 2006 comme une méthode de pêche destructrice, avait été délibérément prise CONTRE les avis scientifiques.
- Le 16 janvier 2018, après un effort hors du commun des équipes de BLOOM, des pêcheurs artisans et d’une coalition d’ONG orchestrée par BLOOM, le Parlement européen vote pour une interdiction totale et définitive de la pêche électrique en Europe.
- En juin 2018, BLOOM obtient le fichier des subventions allouées au secteur de la pêche néerlandais et révèle, en novembre que le développement, majoritairement illégal, de la pêche électrique en Europe, s’est fait à l’aide de 21,5 millions d’euros d’argent public. BLOOM a également porté plainte et demandé l’ouverture d’une enquête pour fraude à l’Office européen de lutte antif fraude (OLAF) au sujet de ces subventions indues.
- Le 6 novembre 2018, sans réponse des institutions à propos des licences et des subventions illégales, BLOOM saisit la médiatrice européenne pour mauvaise administration et renouvelle sa plainte à l’OLAF.
- Sommée de répondre avant le 31 janvier 2019, la Commission européenne finit par confirmer à BLOOM que nos accusations sont fondées : les licences sont illégales et la Direction des pêches de la Commission demande l’ouverture d’une procédure d’infraction à l’encontre des Pays-Bas.
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Les industriels néerlandais, seuls utilisateurs de cette pratique de pêche destructrice, ont commencé à déployer une force de frappe diplomatique considérable (représentation permanente, élus, ministres, lobbyistes) pour tenter de contrer ce qui se profile et ce pour quoi BLOOM se bat d’arrache-pied depuis 2016 : une interdiction totale de la pêche électrique en Europe. Ils menacent de bloquer les ports, ce qui pourrait mener à une contre-mobilisation puissante des pêcheurs artisans, menacés de disparition en raison des pratiques destructrices des industriels.
Le trilogue de mercredi 13 février pourrait être le dernier. Les positions de négociation se présentent ainsi :
- La Commission européenne, affaiblie, a été obligée de reconnaître l’illégalité des licences de pêche électrique ;
- Le Conseil vient d’assouplir sa position pour aller vers une interdiction totale de la pêche électrique mais avec une date de mise en œuvre proposée au 1 janvier 2022, ce qui est inacceptable pour les pêcheurs artisans autour de la Mer du Nord, ruinés et exsangues par les lobbies industriels et leurs actes corrupteurs de la décision publique ;
- Le Parlement est divisé entre les soutiens traditionnels des lobbies, comme le rapporteur du règlement, l’Espagnol du PPE Gabriel Mato, qui demande une interdiction en 2021, et une grande partie des députés qui demandent une interdiction au 31 juillet 2019.
Comme souvent, c’est le groupe socialiste (S&D) qui est en position de faire basculer la décision du Parlement, ici en faveur d’une interdiction au 31 juillet 2019. Le groupe socialiste français vient d’affirmer sa position de soutien à cette date. Reste ensuite à convaincre l’ensemble du groupe socialiste européen puis les négociateurs en trilogue mercredi.
BLOOM se rendra au Parlement de Strasbourg mercredi et compte sur l’ensemble des parlementaires européens pour défendre la santé du milieu marin et les pêcheurs artisans de nos régions contre la destructivité environnementale, financière et démocratique des pratiques industrielles.