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26 novembre 2020

Subventions à la pêche : dernière ligne droite pour l’OMC

Les États membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont jusqu’à la fin de l’année pour se mettre en conformité avec l’Objectif de développement durable 14.6 en concluant un accord sur les subventions à la pêche. Mais le contexte dégradé et les désaccords persistants font craindre un nouvel échec.

Vingt ans de négociations

Lors de la Conférence de Doha de 2001, les pays membres de l’OMC sont convenus d’ouvrir des négociations sur les subventions à la pêche. En 2005, un mandat a officiellement été donné pour initier des discussions. Mais les multiples difficultés autour du Programme de Doha pour le développement ont plongé l’OMC dans une crise profonde dès 2006.

Ce n’est qu’en 2015 qu’un tournant s’est opéré lorsque l’Assemblée générale des Nations unies a adopté l’agenda 2030. Non contraignant, ce dernier fixe une feuille de route pour l’ensemble des États. En l’occurrence, celle-ci s’articule autour d’une série de dix-sept Objectifs de développement durable (ODD), dont le quatorzième porte exclusivement sur la protection de l’océan. L’ODD14.6 fixe ainsi :

« D’ici à 2020, interdire les subventions à la pêche qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche, supprimer celles qui favorisent la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et s’abstenir d’en accorder de nouvelles, sachant que l’octroi d’un traitement spécial et différencié efficace et approprié aux pays en développement et aux pays les moins avancés doit faire partie intégrante des négociations sur les subventions à la pêche menées dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce ».

Indéniablement, l’adoption de l’ODD 14.6 en 2015 a fait des subventions à la pêche l’un des sujets prioritaires de l’OMC. Malgré l’échec de la conférence de Buenos Aires en 2017, le processus s’est néanmoins accéléré et de nouvelles méthodes de négociations ont été mises au point (par exemple des réunions plus restreintes sous forme de « clusters »). Pour autant, cela n’a pas suffi à dégager un consensus solide entre les pays membres.

Un contexte dégradé

Indépendamment des désaccords qui existent sur ce dossier, l’OMC est aussi impactée par un contexte international qui s’est considérablement dégradé ces dernières années et auquel elle est évidemment perméable.

De manière générale, l’OMC rencontre les plus grandes difficultés à fonctionner de manière optimale. Trois raisons principales expliquent cette inertie : 1) l’unilatéralisme et le protectionnisme des États-Unis depuis le début du mandat de Donald Trump (blocage de l’organe de règlement des différends, récente opposition à la candidate nigériane au poste de Directrice générale etc.), 2) les tensions commerciales entre les USA et la Chine mais aussi entre les USA et l’Union européenne et 3) les clivages très forts qui existent entre pays développés et pays en développement sur l’ensemble des sujets discutés et qui se cristallisent dans l’affrontement sino-américain.

La crise liée à la COVID-19 a encore aggravé la situation en exacerbant les replis nationaux et en contraignant les délégations à négocier à distance ce qui a réduit le niveau de confiance.

Une organisation dysfonctionnelle

En dépit des objectifs qu’impose le calendrier établi par l’ODD 14.6 et malgré les avancées enregistrées, les divergences demeurent encore très nombreuses. Or, il convient de souligner qu’aucun accord ne saurait être sérieusement envisagé en l’absence de consensus général entre les membres. Rappelons à cet égard qu’à l’OMC, personne n’est d’accord tant que tout le monde n’est pas d’accord. Un seul pays peut donc gripper tout un processus comme cela s’est produit à Buenos Aires en 2017.

Un tel système tend à transformer les négociations en un immense marchandage, ce qui dilue progressivement les objectifs de départ. Sur la question des subventions à la pêche, il est intéressant de noter que le discours est ainsi passé d’une « interdiction », à une « réduction » puis à un « plafonnement ».

Plus que jamais, l’OMC s’avère donc affaiblie. Outre la nécessité de réforme qu’une telle situation appelle, cette perte de vitesse interroge également sur la capacité réelle de cette organisation à faire respecter un futur accord sur les subventions à la pêche.

Des désaccords nombreux

En juillet dernier, le président des négociations Santiago Wills a proposé un premier brouillon d’accord. Début novembre, il a soumis aux délégations une version révisée de ce document qui liste les subventions qui pourraient être interdites, notamment celles pour le carburant, la construction ou la modernisation des bateaux.

Les désaccords restent toutefois très nombreux. Ils interviennent non seulement entre pays développés et pays en développement, mais aussi au sein de chacune de ces deux catégories. Ils sont actuellement de trois ordres principaux et donnent lieu à des positionnements extrêmement variés :

1) sur les effets des subventions et la manière de les réguler : quelles subventions peuvent être considérées comme néfastes ? Faut-il complètement les interdire ? Ne pourrait-on pas plutôt les réduire, voire les plafonner ?

2) sur le périmètre du texte et les différents régimes applicables : quelles règles pour les navires qui opèrent sur des stocks non évalués ? Quelle période de transition ou encore quel traitement spécial et différencié appliquer aux pays en développement ?

2) sur les modalités d’application du futur accord : comment améliorer le système de notification des subventions de l’OMC ? Quelles sanctions en cas de non-respect de l’accord ? De quelles contre-mesures pourraient disposer les membres face à un pays ne respectant pas les règles ?

Quant à l’Union européenne, celle-ci ne joue clairement pas un rôle de leader dans ce dossier. Bien au contraire. Outre ses dernières propositions visant à maintenir des subventions qui encourageraient la surcapacité et la surpêche, elle a également vu son crédit entamé en raison de sa volonté de réintroduire des aides néfastes dans le cadre du prochain FEAMP (2021-2027). Dans une tribune commune, les deux scientifiques spécialistes des pêcheries mondiales Daniel Pauly et Rashid Sumaila l’enjoignent d’ailleurs de revoir urgemment sa copie.

Au cours des prochaines semaines, cette dernière devrait d’ailleurs être particulièrement scrutée par ses homologues à l’OMC. Les derniers trilogues sur le prochain FEAMP doivent en effet avoir lieu en décembre, au moment même où les négociations à l’OMC entreront dans la dernière ligne droite.

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