16 janvier 2018
Le premier argument du lobby néerlandais pour promouvoir la pêche électrique concerne la consommation de carburant, et son impact positif sur le climat.[1] Quant aux autres arguments, ils ne sont vrais que si l’on compare le chalut électrique à l’un des engins de pêche les moins durables qui existent : le chalut à perche.
En réalité, dans les années 2000, l’avenir des chaluts à perche était menacé car ils étaient déficitaires et qu’ils avaient un impact négatif massif sur l’environnement.[2] Les coûts de carburant étaient tels que les débarquements de poissons n’étaient pas suffisants pour équilibrer leurs comptes.[3] Au lieu de passer à des méthodes artisanales plus respectueuses de l’environnement et plus économes en carburant (comme les filets maillants dans le cas de la pêche à la sole), les Néerlandais ont choisi d’accroître l’efficacité de leurs chaluts à perche pour réduire la consommation de carburant.
Bien qu’ils continuent à se référer à une réduction de 50% de la consommation de carburant par rapport aux chaluts à perche, les Néerlandais ont été assez timides pour fournir la consommation réelle de carburant. Ce n’est que récemment qu’ils ont clairement communiqué sur ce sujet, annonçant une énorme économie de carburant de 900 000 litres par navire et par an.
Malheureusement pour eux, nous avons ainsi pu montrer qu’ils ne captent que 500-700 grammes de poisson par litre de carburant. Les pêcheurs de sole du nord de la France – qui font aujourd’hui faillite en raison de l’efficacité radicale de la pêche électrique – pouvaient attraper jusqu’à 3 kg de poissons par litre de carburant en 2013 et 2014. Ce chiffre a presque diminué de moitié depuis lors, en raison de leur difficulté à accéder à la ressource depuis le doublement des chalutiers électriques en mer du Nord.
Cela résume toute la campagne du lobby de la pêche électrique. Ils ont seulement réussi à convaincre les membres du Parlement européen de soutenir leur équipement destructeur avec des promesses de « durabilité », d’ »atténuation du changement climatique » et des « Accords de Paris ». Mais la « durabilité » n’est clairement pas définie en se fondant sur les pires pratiques.
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Nous avons téléchargé la liste des 84 navires équipés de chaluts électriques sur le site web de l’Organisation néerlandaise des coopératives de pêche (CVO).[4] Grâce à cette liste, et au registre de la flotte européenne[5], nous avons établi que : 31,7% des chalutiers équipés d’électrodes avaient une puissance de <300 CV et 68,3% avaient une puissance >300 CV.
Sur le site internet “Care for the climate! Vote for pulse fishing”, créé par les lobbies néerlandais de la pêche industrielle VisNed et Nerderlandse Vissersbond, on peut trouver plusieurs données intéressantes :
Dans un rapport non révisé par les pairs de Wageningen University & Research,[6] il est rapporté que les chalutiers électriques débarquent:
D’après la proportion de chalutiers de puissance < 300 CV et > 300 CV, le nombre estimé de jours de pêche, et les taux de débarquement quotidien, les chalutiers équipés d’électrodes débarquent annuellement 27 000 tonnes.
En tenant compte de l’ensemble de données ci-dessus, les chalutiers équipés d’électrodes néerlandais ont donc un ratio de 500 grammes de poissons capturés par litre de gasoil consommé.
Comme ci-dessus.
Dans l’article de Turenhout et al. (2016), il est rapporté que :
Compte tenu de la proportion de <300 CV et >300 CV, ainsi que du nombre estimé de jours de pêche, ces taux de consommation journalière correspondent à un peu plus de 40 millions de litres de gasoil par an.
Comme ci-dessus.
D’après l’ensemble de données ci-dessus, les chalutiers électriques néerlandais ont donc un ratio de 700 grammes de poissons capturés par litre de gasoil consommé.
En 2013, un fileyeur moyen de 12 m de long du port de Boulogne-sur-Mer a capturé 58,7 tonnes de poissons, pour une consommation de 20 398 litres de gasoil, soit un ratio de 2,9 kilos de poisson par litre de gasoil. Ce chiffre a continuellement baissé pour atteindre 1,0 en 2017.
D’autres données collectées (comptes certifiés) auprès de 16 pêcheurs artisans aux filets maillants de Dunkerque montrent que leur ratio était d’environ 1,4 kilo de poisson par litre de gasoil en 2014. Ce chiffre a atteint 1,1 en 2017.
[1] Voir par exemple https://spark.adobe.com/page/LTf3vpqJpgwfz
[2] Turenhout (2016) Pulse trawling in the Netherlands: economic and spatial impact study. Disponible à : http://library.wur.nl/WebQuery/wurpubs/fulltext/396469
[3] Turenhout (2016) Ibid
[4] http://cvo-visserij.nl/wp-content/uploads/2015/08/20150804-deelnemerslijst-MSC-puls.pdf. Liste fournie par l’organisme Marine Stewardship Council’s assessment
[5] http://ec.europa.eu/fisheries/fleet/index.cfm
[6] Turenhout (2016) Ibid