06 janvier 2020
Les détails du vote du 12 novembre en Commission de la pêche révèlent l’inadéquation flagrante entre la réalité des urgences sociales et climatiques et l’action concrète du nouveau Parlement européen. À l’aube d’une décennie déterminante pour l’avenir de la planète, ce vote illustre l’incapacité de la majorité des élu(e)s à s’ériger contre les dynamiques en place et se montrer à la hauteur d’enjeux historiques.
Le 12 novembre, les arguments ne manquaient pas pour rallier les forces politiques de tous bords afin de rejeter la position de l’ancien Parlement européen proposant de réintroduire des subventions qui augmentent la capacité de pêche (aussi appelées « subventions néfastes ») dans le prochain FEAMP, notamment pour financer la construction de nouveaux navires. Du point de vue écologique, la position de l’ancien Parlement va à l’encontre des Objectifs de Développement Durable (ODD), notamment l’Objectif 14.6 qui demande l’élimination des subventions contribuant à la surcapacité et à la surpêche. Du point de vue social, les organisations européennes de la petite pêche – qui représente à elle seule 85% de la flotte de pêche – s’étaient fermement positionnées contre la proposition de l’ancien Parlement. Du point de vue du commerce international, la position de l’ancien Parlement constituait un véritable camouflet pour les négociations actuellement en cours à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En effet, cela fait maintenant 20 ans que l’organisation travaille à un accord multilatéral pour interdire les subventions néfastes au niveau international.
Cependant, les semaines précédant le vote, les déclarations de certain(e)s parlementaires de la Commission de la pêche défendant la cause des industriels laissaient présager le pire quant à l’issue du scrutin. C’est pourquoi, les ONG, les organisations de petits pêcheurs et plusieurs eurodéputés se sont massivement mobilisés pour alerter l’ensemble des parlementaires de la gravité de la situation. La solution était pourtant simple : rejeter la position de l’ancien Parlement afin de déclencher une deuxième lecture et ainsi permettre au Parlement nouvellement élu de se repositionner dans le cadre d’un.
Malgré tous les efforts déployés, le résultat s’est avéré pire qu’escompté. Le 12 novembre, avec 20 votes favorables contre 6 (et 2 abstentions), les eurodéputés de la Commission de la pêche du Parlement européen ont massivement choisi de confirmer la position catastrophique de l’ancien Parlement et de rentrer directement en Trilogue (processus de négociation opaque avec le Conseil et la Commission européenne) avec cette position comme mandat.
La publication des votes nominatifs du 12 novembre permet de mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre. Les deux groupes les plus importants du Parlement européen, le Parti populaire européen et le groupe des Socialistes et démocrates, se sont positionnés ensemble en faveur de la position adoptée par l’ancien Parlement européen. Ils ont été suivis par les Conservateurs européens, le groupe d’extrême droite Identité et démocratie, et le seul membre du groupe de la Gauche unitaire européenne au sein de la Commission de la pêche. Une alliance pour le moins hétéroclite soutenant la position défendue par les lobbies industriels de démarrer les négociations de Trilogue et de réintroduire les subventions néfastes. Le principal lobby industriel s’est d’ailleurs ouvertement réjoui du résultat du vote.
Dès le début de l’année, les choses iront nettement mieux : au 1er janvier, on sera opérationnels comme on ne l’a pas été depuis longtemps.
Sabine Rosset - Directrice de BLOOM
Mais quel est l’argument ayant permis une telle mobilisation des parlementaires pour aller à l’encontre des ONG, des organisations de petits pêcheurs, d’éminents scientifiques, de l’ONU et de l’OMC? La deuxième lecture serait, prétendument, une procédure trop compliquée ! En réalité, cette option législative est extrêmement encadrée par les traités européens et aurait permis de revoir de fond en comble le travail effectué par l’ancien Parlement sur le FEAMP.