13 février 2017
Paris, le 13 février 2017
Face à un Emmanuel Macron qui a réussi l’exploit de ne pas dire un mot à propos de l’océan, de la défense du milieu marin et des pêcheurs lors de ses annonces en matière d’écologie[1] alors que la France possède le deuxième plus grand territoire maritime au monde, Benoît Hamon a, au contraire, présenté ce matin des mesures concrètes concernant la pêche française lors d’une conférence de presse dédiée à la question de l’alimentation.
Le candidat du Parti Socialiste a détaillé dix engagements ambitieux et concrets pour « avoir moins à guérir » à l’avenir, en ayant pris le soin, au préalable, de rappeler la détresse matérielle, sanitaire et sociale du monde agricole et les nombreux impacts dramatiques des modes de production actuels sur la santé des citoyens.
Il a appelé à « repenser le modèle productiviste », a posé la question essentielle « du juste prix dans la chaîne de valeur » et a indiqué que l’économie sociale et solidaire (ESS) ainsi que les circuits courts étaient des ressources précieuses sur lesquelles s’appuyer pour changer notre modèle et assurer une transition sociale et écologique qui ne soit pas « punitive ».
La 7ème mesure évoquée par le candidat concernait un plan « Pêche-Pêcheurs-Océans » (21’00).
Benoît Hamon s’est dit « particulièrement inquiet » pour la Méditerranée. S’il a légitimement refusé d’incriminer les pêcheurs pour la pollution qui asphyxie la Méditerranée, il n’a toutefois pas cité le problème chronique de la surcapacité de pêche et des subventions publiques qui entretiennent celle-ci et mènent à la surexploitation des ressources, bien que l’élimination de telles subventions soit déjà un engagement auquel la France a officiellement souscrit par le biais de l’Objectif de Développement Durable n°14 de l’ONU et que cela devrait être une priorité des politiques publiques.
Benoît Hamon a tenu un langage sans équivoque à propos des pollutions marines et du dossier « boues rouges » de Méditerranée : « Notre intransigeance devra être sans faille contre toute pollution qui pourra affecter la bande côtière car elle est l’un des creusets les plus précieux de la biodiversité. Je pense évidemment au dossier des boues rouges (…) pour lequel des délais inacceptables ont été accordés à l’industrie ». Il a précisé qu’il suivrait sur cette question « l’avis qui avait été celui de la ministre de l’environnement Ségolène Royal » car « on peut maintenir l’emploi en préservant l’environnement, il faut arrêter d’opposer l’un à l’autre. »
Sur l’aquaculture, Benoît Hamon a déclaré qu’il était « urgent de s’intéresser à l’élevage de poissons » car « beaucoup de ces élevages utilisent en grande partie colorants, pesticides et antibiotiques. » Il a proposé de mettre de l’ordre dans la réglementation au niveau national et européen à propos des « règles sanitaires concernant l’élevage de poissons ainsi que les règles de l’importation de ces produits ».
Le candidat PS a proposé « un plan de modernisation, de formation et de réglementation pour la pêche » retenant les orientations suivantes :
C’est la première fois qu’un candidat ose enfin aborder la question taboue de l’allocation discrétionnaire, opaque et inéquitable des droits et quotas de pêche qui défavorisent violemment la pêche artisanale française, c’est-à-dire les unités de moins de 12 mètres dépendantes des ressources de la bande côtière.
En proposant de « favoriser la sélectivité des engins » et « d’éviter les rejets », Benoît Hamon a également nommé sans le dire le contenu de l’ODD 14 des Nations Unies qui prévoit de « mettre un terme aux pratiques de pêche destructrices » d’ici 2020.
Autrement dit, le candidat PS ne souhaite pas uniquement que l’agriculture soit « au service de la biodiversité » mais le secteur de la pêche aussi ! De quoi faire des heureux auprès des pêcheurs artisans, malmenés par les industriels… Mais de quoi aussi faire grincer des dents l’aréopage d’industriels qui tient le secteur dans sa main.
Au-delà de l’issue du scrutin présidentiel, deux autres questions se posent :
En ce qui concerne les modèles agricoles alternatifs, un grand nombre d’élus est mobilisé en faveur d’une transition écologique sociale ambitieuse. Mais dans la pêche, les élus – y compris socialistes – n’interagissent qu’avec les industriels puisque les artisans sont en mer et ne sont pas représentés politiquement, même s’ils forment plus de 80% des unités de pêche.[2] En général, un blocage de port suffit à dissiper la meilleure des volontés politiques…
Affaire à suivre.
[1] Lors de sa prestation à propos des questions écologiques le 9 février dernier, le candidat d’En Marche a totalement éludé la question de la préservation des ressources marines, de la protection du milieu marin, de la surcapacité de pêche, des subventions allouées au secteur et de l’injustice faite aux pêcheurs artisans français en ce qui concerne les allocations de quotas et de droits de pêche. Lire notamment: Arnaud Gonzague, « Mines, OGM, gaz de schiste… L’écologie bizarre d’Emmanuel Macron », L’Obs, 9 fév. 2017; Stéphanie Senet, « Écologie: Macron fait le grand écart », Journal de l’Environnement, 9 fév. 2017, Reporterre, 13 février 2017 : Macron et l’environnement : de belles promesses, un lourd passif.
[2] En 2012, les bateaux de moins de 15 mètres représentaient 3854 bateaux sur 4567, soit 84% de la flotte française (Mer du Nord, Manche, Atlantique et Méditerranée). Leblond et al. (2014) Synthèse des flottilles de pêche 2012 – Flotte de Mer du Nord – Manche – Atlantique, flotte de Méditerranée. Institut de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), Système d’Informations halieutiques (SIH), Issy les Moulineaux (France). 286 p. http://archimer.ifremer.fr/doc/00248/35971/34497.pdf page 9