25 mars 2016
Le 23 mars dernier, Claire Nouvian, fondatrice de BLOOM, était invitée à l’émission « Du Grain à Moudre » (France Culture) pour participer au débat « Economie bleue : peut-on protéger les pêcheurs ET les poissons ? ». Face à elle, Gérard Romiti, président du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM).
« À quand des fact checkeurs en direct ? » se demandait l’un de nos followers sur Twitter. À défaut de direct, nous vous proposons ici de revenir sur les plus grosses bourdes énoncées par Gérard Romiti et de les éclairer à la lumière de la science. Gérard Romiti clame :
Selon Gérard Romiti, ces chiffres proviendraient du consortium de chercheurs étudiant pour le compte de l’Union européenne l’état des stocks de poissons (le « Conseil international pour l’exploration de la mer » ; CIEM). C’est faux : les données du CIEM les plus récentes montrent que, pour l’Atlantique Nord-est, seuls 18% des stocks évalués sont exploités à un effort de pêche qui permettra, à terme, de générer le maximum de captures année après année. [1] On est bien loin de la durabilité, et encore plus d’une « reconstitution ». En Méditerranée, la situation est bien pire car 96% des stocks de poissons pour lesquels les scientifiques ont pu se prononcer sont surexploités ![2]
De plus, le terme « reconstitué à 100% » est mensonger car il suggère que la biomasse aurait retrouvé son état vierge d’avant la pêche, ce qui est complètement farfelu.
Dans un communiqué sur son propre site, le Comité des pêches se félicitait d’une « augmentation substantielle de fonds, en comparaison avec la période précédente (2007-2013) ». Les montants font référence au Fonds européen pour les affaires maritimes et pour la pêche (FEAMP) dont les paiements vont s’étaler jusqu’en 2020.[3]
Claire Nouvian précisait quant à elle que seules les subventions pour la construction de nouveaux bateaux sont interdites depuis le 1er janvier 2005 ; en aucun cas les autres aides publiques dont les montants s’élèvent à plusieurs centaines de millions d’euros annuellement sont interdites !
Claire Nouvian précisait :[4] « il y a 400 ou 500 ligneurs de bar en France[5] ; il y a une trentaine de chalutiers pélagiques[6] qui attrapent beaucoup plus que les ligneurs ». Ce sont justement ces chalutiers pélagiques qui capturent un volume substantiel en une seule prise et qui, à force de pêcher sur les frayères (zones de reproduction qu’ils feraient mieux d’éviter), sont en grande partie responsables de l’épuisement du stock de bar[7] et de la mise au chômage forcée des 400-500 ligneurs suite au moratoire européen ![8]
Il y a donc clairement des exemples d’« antinomie entre petites et grandes unités ».
Rappelons à M. Romiti que :
« Si rien n’est plus raffiné que la technique de la propagande moderne, rien n’est plus grossier que le contenu de ses assertions, qui révèlent un mépris absolu et total de la vérité ». Alexandre Koyré dans Réflexions sur le mensonge (1943).
[1] Voir l’analyse de BLOOM sur www.bloomassociation.org/desinformation-inquietante-au-coeur-des-institutions/
[2] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-724_en.htm
[3] www.comite-peches.fr/wp-content/uploads/cp_adoption_enveloppe-budgétaire_FEAMP.pdf
[4] A partir de 25min 40s.
[5] Sur les côtes de Loire Atlantique, Bretagne et Basse-Normandie.
[6] www.cdpmem56.fr/2015/01/16/peche-du-bar-interdite-aux-chalutiers-pelagiques-manche/
[7] http://ec.europa.eu/fisheries/documentation/publications/2015-seabass-facts_fr.pdf
[8] http://pointe-de-bretagne.fr/2015/plan-de-gestion-bar-pour-2016-la-commission-europeenne-met-la-barre-tres-haut
[9] https://bloomassociation.org/download/Bibliographie_sur_les_impacts_des_chaluts_profonds.pdf