Ce « projet » de l’eurodéputé espagnol Gabriel Mato (PPE ; rapporteur du règlement sur les « mesures techniques ») est inquiétant. En opposition avec le mandat clair donné par le Parlement européen le 16 janvier 2018, il adapte en réalité une précédente proposition scandaleuse du Conseil de l’UE, qui a heureusement été rejetée lors de la dernière négociation en trilogue du 4 octobre. La proposition de Mato réitère les principaux points négatifs du compromis du Conseil et laisse place à de dangereuses possibilités :
- Le projet autorise la pêche électrique commerciale jusqu’au 31 décembre 2021, à part dans la zone limitée et insuffisante des 12 milles nautiques (eaux territoriales) des Etats membres le souhaitant. Implicitement, cette période de trois ans pourra être utilisée pour amasser plus de connaissances scientifiques sur cette technique afin de permettre on utilisation ultérieure éventuelle. Cependant, nous rappelons fermement que la pêche électrique se pratique depuis dix ans « sous couvert de recherche scientifique« .[1] Une instrumentalisation plus avant de la science ne profitera donc qu’au lobby de la pêche électrique ;
> Lisez notre document de plaidoyer, qui résume les nombreuses menaces que fait peser la pêche électrique sur les écosystèmes marins et les pêcheurs côtiers
- En outre, le projet de proposition est très peu clair et ne répond pas aux normes de « sécurité juridique ». Il soutient clairement un statu quo inacceptable : alors que le développement de la pêche électrique résulte d’une série de décisions scandaleuses, le projet comporte encore des failles que nous dénonçons depuis longtemps. La pêche électrique peut ainsi toujours être utilisée à des fins commerciales à hauteur de 5% de la flotte de chaluts à perche de chaque État membre, mais le projet de compromis légitimise également la possibilité d’obtenir des dérogations supplémentaires sous couvert de « recherche scientifique » et de « projets pilotes ». En d’autres termes, bien que le projet indique que « de nouvelles licences ne seront pas accordées [jusqu’au 31 décembre 2021]« , le statut illégal de toutes les licences accordées au-delà du cadre réglementaire de 5% (c’est-à-dire 70 chalutiers sur 84) ne sera pas contesté dans le cadre de l’adoption de ce compromis ;
- De manière très inquiétante, le projet établit également une feuille de route claire pour ré-autoriser la pêche électrique une fois qu’elle aura été interdite à la fin de 2021. Le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) a pour rôle de produire des avis scientifiques. Il n’est donc pas nécessaire d’inclure ce rôle dans un règlement, en indiquant que la Commission pourra demander un avis au CIEM « en temps voulu« . En outre, la Commission n’a besoin d’aucun avis scientifique pour présenter une proposition législative. Au contraire, rappelons que les dérogations initiales pour pratiquer la pêche électrique ont été accordées contre l’avis explicite des scientifiques ;
- Le projet vise à éviter la commercialisation des espèces capturées avec des méthodes de pêche non conventionnelles. Cela n’a aucun sens, étant donné que i) la vente de captures illégales est, par définition, déjà illégale, et ii) la pêche électrique n’est pas incluse dans la liste des méthodes de pêche interdites, puisqu’elle bénéficie d’un régime de dérogations. Par conséquent, cette disposition inutile n’empêcherait aucunement l’utilisation de la pêche électrique.
Une disposition bénéfique de ce projet de compromis est le fait que, si la pêche électrique était interdite, ce règlement s’appliquerait également aux eaux internationales et à celles des pays tiers.
En conclusion, ce projet de compromis est inacceptable et doit être entièrement reformulé afin de respecter le mandat clair du Parlement européen.
Notes et références
[1] ICES (2015) Second interim report of the working group on electrical trawling (WGELECTRA). IJmuiden, the Netherlands, 10-12 November 2015 Copenhagen (Denmark).