07 juin 2024
À quelques jours du scrutin européen du 9 juin, BLOOM publie son analyse des programmes électoraux des principaux partis français afin d’identifier ceux qui inscrivent la protection de l’océan et la défense des petits pêcheurs artisans dans leurs priorités pour le prochain mandat.
Les listes de la gauche sociale et écologique se distinguent par leur ambition, Renaissance par son greenwashing, la droite conservatrice et l’extrême-droite par leurs mesures antiécologiques et leur mépris total de l’urgence environnementale.
Nous avons utilisé comme baromètre d’analyse les “15 points pour sauver l’océan, le climat et les emplois” portés par les 130 ONG, 120 personnalités et 45000 citoyens réunis au sein de la “coalition citoyenne pour la protection de l’océan”. Ces quinze points, fondés sur les recommandations scientifiques internationales, devront absolument être mis en œuvre pour que l’Union européenne se dote d’un cadre juridique réellement efficace en faveur de l’océan, du climat et de la justice sociale.
Qui fait des promesses vagues et intentionnelles ? Qui définit clairement ses objectifs pour les années à venir ? Et qui, finalement, veut faire reculer l’Union européenne et nous rapprocher du gouffre climatique et environnemental ?
BLOOM a examiné en détail les professions de foi des listes aux élections européennes qui dépassent le seuil des 5% d’intentions de vote dans les derniers sondages1Notre analyse se concentre sur les partis qui devraient franchir le seuil fatidique des 5% de préférences et/ou qui ont souscrit à nos 15 points. Comme référence pour les sondages électoraux, nous nous sommes appuyés sur le site Euractiv consulté le 3 juin https://www.euractiv.com/eu-elections-2024-france/ . . Voici notre analyse, présentée selon le classement de la performance écologique des délégations françaises au Parlement européen présenté publié sur notre outil iPolitics.
Légende: Performance écologique des délégations françaises au Parlement européen au cours de la mandature 2019-2024
Le parti dirigé par Marie Toussaint fait de la convergence des questions sociales et environnementales le pivot de son programme électoral. Une attention particulière est portée au monde de la pêche et à la protection des océans et de leur biodiversité. Suite à la publication des 15 points défendus par BLOOM, Marie Toussaint a été la première tête de liste à s’engager, sans délai, à les porter au cours des cinq prochaines années avec l’ensemble des futurs députés de son parti.
C’est ainsi que l’on retrouve dans le programme des Écologistes toutes les mesures phares que nous défendons : l’attribution prioritaire des quotas de pêche aux pêcheurs artisans qui créent de l’emploi et ont un impact moindre sur l’environnement, le soutien à la protection stricte de 10% des aires marines européennes, l’interdiction des méga-chalutiers dans la bande côtière, la fin des plastiques d’ici 2050, l’adoption d’un traité de non-prolifération des énergies fossiles et des objectifs ambitieux de réduction des gaz à effet de serre..
Les Écologistes veulent ainsi consolider les objectifs du “Pacte vert” européen avec un ensemble de mesures extrêmement ambitieuses, détaillées et quantifiées. C’est donc un programme de très grande qualité, à la hauteur de l’urgence environnementale, que porte Marie Toussaint en matière de protection de l’océan, du climat, et de justice sociale.
Un point de vigilance : pour défendre ce programme au sein du Parlement européen, la liste des Écologistes doit absolument dépasser le seuil fatidique des 5% de votes ce dimanche 9 juin. En dessous de ce seuil, les Écologistes seraient exclus du Parlement européen pour la prochaine législature, et les cinq sièges pouvant être obtenus en dépassant ce seuil seraient automatiquement redistribués entre les autres partis en fonction des voix obtenues, bénéficiant largement aux partis d’extrême droite et de la droite conservatrice et libérale. Si les Écologistes ne franchissent pas ce seuil des 5%, ce serait une catastrophe pour la construction du droit environnemental et la justice sociale au sein de l’Union européenne, tant leur expertise sur les dossiers est précieuse, et tant certains votes sont serrés au Parlement européen.
La liste conduite par Manon Aubry aux élections européennes montre qu’elle entend continuer à faire de la défense de l’environnement l’un des piliers de la prochaine mandature, dans la continuité du travail accompli lors de la dernière législature.
Son programme électoral est extrêmement fourni et détaillé, et met particulièrement l’accent sur la convergence entre justice sociale et justice environnementale, y compris sur les questions liées à la pêche et à la protection de l’océan.
Manon Aubry et tous les candidats de La France Insoumise se sont engagés à porter les 15 points défendus par BLOOM, engagement qui se retrouve d’ailleurs dans leur programme. Qu’il s’agisse des accords de pêche que l’Union européenne conclut avec des pays tiers (notamment avec les pays d’Afrique de l’Ouest et de l’océan Indien) et qui conduisent au pillage des ressources halieutiques des pays du Sud, de la réorientation des subventions publiques, de la réallocation des quotas de pêche en faveur de la pêche artisanale, de la lutte contre les lobbies industriels ou de l’aquaculture durable : tous ces points sont présents dans leur programme.
Le programme de La France Insoumise ne se limite pas à l’océan, mais couvre toutes les questions écologiques. On y trouve ainsi un large chapitre consacré à la planification écologique européenne, où sont évoqués entre autres l’arrêt des subventions aux énergies fossiles, l’interdiction de développer de nouveaux projets fossiles, la défense de la Loi sur la Restauration de la Nature.
En bref, un très bon programme pour les cinq prochaines années de travail parlementaire.
Le programme de la coalition Place Publique et Parti Socialiste mené par Raphaël Glucksmann présente lui aussi un éventail très complet sur les enjeux écologiques. Sur les 338 mesures proposées pour les cinq prochaines années, 91 concernent l’écologie, en allant de la lutte contre le changement climatique au bien-être animal, en passant par la mobilité, l’eau et la protection des écosystèmes.
Entre autres, le texte fait clairement référence à la fin des subventions néfastes pour la planète, en premier lieu les énergies fossiles. Il s’agit de l’un des 15 points défendus par BLOOM, et un enjeu crucial dans la transition énergétique.
La liste socialiste propose également un « Pacte bleu pour l’Europe » qui reprend en grande partie les 15 points défendus par BLOOM. Y sont abordés la protection de 30% des espaces marins d’ici 2030, conformément aux recommandations des scientifiques et de la Commission européenne, l’interdiction des méga-chalutiers dans la bande côtière, un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes et la transition socio-écologique du secteur de la pêche. Le programme évoque également la promotion d’accords de pêche internationaux respectueux des écosystèmes et ne favorisant pas le pillage des ressources africaines, contrairement à la plupart des accords de pêche établis aujourd’hui par l’UE avec des pays tiers.
Enfin, Raphaël Glucksmann, tête de liste Place publique – PS, s’est engagé pour sa liste sur les 15 points portés par la coalition citoyenne pour la protection de l’océan.
Le programme électoral des partis de la majorité présidentielle est un écran de fumée destiné à tromper les électeurs et électrices. Renaissance propose en effet une « écologie à l’européenne, faite de croissance, de production et d’innovation ». Une écologie techno-solutionniste dans ses promesses, dépourvue de mesures concrètes et, à bien des égards, sourde au consensus et aux recommandations scientifiques. Par exemple, leur programme ne recense aucune proposition pour la protection des écosystèmes au sein de l’Union européenne, et aucune proposition en vue de l’élimination des subventions aux énergies fossiles, alors que ces deux sujets constituent une priorité absolue si nous voulons agir contre l’effondrement du climat et de la biodiversité.
Mais c’est sur le thème des océans que le greenwashing de Renaissance est le plus inquiétant. En effet, si Valérie Hayer et ses alliés proposent un « Pacte bleu » pour l’Europe, à l’image du “Pacte vert” qui a dominé l’agenda politique ces cinq dernières années, il s’agit là d’un énième coup de communication plutôt que d’une véritable feuille de route pour les océans. Dans le très bref point consacré à ce sujet, la liste Renaissance propose de s’opposer à toute exploitation minière des grands fonds marins et de mettre fin aux plastiques inutiles et nocifs, sans que l’on ne sache ce que l’on entend par « plastiques inutiles », et sur quelle échelle de temps s’articule cette proposition. Ces deux mesures sont certes positives, mais il s’agit surtout d’une diversion pour cacher le vide abyssal du programme de Valérie Hayer : aucune mention de la pêche, pourtant identifiée par l’IPBES comme la première cause de destruction de la biodiversité marine, aucune mention des aires marines protégées, aucune mention de l’interdiction des techniques de pêche destructrices ou de la transition sociale et écologique du secteur.
De beaux mots pour cocher la case “océan”, mais des promesses vagues et insuffisantes. Par ailleurs, aucun candidat figurant sur la liste de Valérie Hayer ne s’est engagée à soutenir les 15 points portés par la coalition citoyenne pour la protection de l’océan. La protection réelle et effective de l’océan n’est donc pas à l’ordre du jour pour les députés macronistes.
Le programme du parti de la droite conservatrice française Les Républicains détaille sa vision de l’avenir de la pêche européenne. Cependant, hormis quelques propositions positives, notamment en ce qui concerne l’interdiction d’importer des produits qui ne respectent pas les normes environnementales de l’UE, le programme du parti guidé par Bellamy s’inscrit dans la ligne antiécologique adoptée par Les Républicains ces cinq dernières années : une défense acharnée du statu quo et un mépris total pour la transition du secteur de la pêche vers un modèle plus durable d’un point de vue social, économique et environnemental. Le mot d’ordre : libéralisation et dérégulation.
C’est ainsi que le programme demande un moratoire sur toute nouvelle réglementation environnementale concernant la pêche. Le programme mentionne également l’objectif d’augmenter les subventions allouées aux pêcheurs, mais sans préciser dans quel but. Or, nous savons bien qu’à ce jour, les subventions publiques françaises et européennes bénéficient trop souvent aux entreprises industrielles, et presque jamais aux pêcheurs artisans, comme nous l’avons déjà souligné dans notre étude “A contre-courant”.
Par ailleurs, le programme des Républicains ne fait aucune mention de la protection de la biodiversité marine, alors que ceci constitue un prérequis essentiel au maintien des ressources halieutiques, et donc à la survie des pêcheurs eux-mêmes. Au contraire, le parti de François-Xavier Bellamy va jusqu’à menacer d’utiliser tous les leviers, y compris par des mesures de rétorsion économique, contre le Royaume-Uni qui serait en train d’utiliser « la protection de la biodiversité comme prétexte » pour fermer l’accès des eaux britanniques aux pêcheurs de l’Union européenne. Ce dernier point fait référence au fait que le Royaume-Uni a récemment adopté les premières mesures pour réellement protéger ses eaux en interdisant la pire technique de pêche, le chalutage de fond, dans une fraction de ses aires marines protégées. Une mesure légitime et indispensable pour rendre ces zones réellement « protégées », et qui aura un impact minime sur les pêcheurs français, comme nous l’avons analysé en détail dans l’un de nos récents articles, « Anatomie d’une chute ». Les Républicains démontrent ainsi qu’ils rejettent en bloc toute mesure concrète pour défendre la santé de nos océans.
La ligne antiécologique des conservateurs français ne pose pas seulement problème sur les questions liées à l’océan et à la pêche, mais sur l’ensemble de la politique environnementale européenne. Les Républicains remettent ainsi en question le “Pacte vert” européen, bien qu’il ait été promu au sein de la Commission européenne par son propre groupe européen, duquel est issu la présidente de la Commission Ursula Von der Leyen. A l’heure actuelle, aucun des candidats de la liste conduite par François-Xavier Bellamy ne soutient les 15 points portés par la coalition citoyenne pour la protection de l’océan.
Le parti dirigé par Jordan Bardella est recalé sur toute la ligne. Son programme électoral est une coquille totalement vide en matière de protection de l’océan. S’il est vrai que le Rassemblement national aborde la question de la défense des pêcheurs et de leurs revenus dans un paragraphe microscopique, il ne propose aucune mesure concrète. On ne trouve aucune mention de mesures visant à soutenir effectivement les petits pêcheurs, qu’il s’agisse de la répartition des quotas de pêche, de la lutte contre la concurrence déloyale qu’ils subissent de la part des grands navires de pêche industrielle ou encore de leur représentation au sein des instances professionnelles. Rien de substantiel ne leur est proposé. Il est clair que le RN a surfé sur la vague de colère des pêcheurs et des agriculteurs au cours des derniers mois par pur intérêt électoral, mais sans faire la moindre proposition pour sortir du statu quo et envisager un avenir équitable et durable au secteur et à ses opérateurs.
Sur la protection de l’environnement et du climat, le programme du RN développe une forme de double discours. Bien que le texte reconnaisse l’existence du changement climatique, les mesures proposées vont à l’encontre des recommandations scientifiques sur la manière de faire face à cette menace existentielle pour nos sociétés. Par exemple, le RN s’oppose au développement des énergies renouvelables telles que l’éolien. De même, il n’est fait nulle part mention de la manière de protéger et de restaurer la biodiversité de notre continent. Le programme du parti de Jordan Bardella va même jusqu’à demander le retrait de certaines des législations les plus ambitieuses et les plus importantes de la dernière législature, comme la directive sur le devoir de vigilance des entreprises, qui permet de rendre les grandes entreprises européennes responsables des violations aux droits humains et des dommages environnementaux qu’elles occasionnent de par le monde.
Cet agenda politique aussi désastreux que scandaleux ne nous surprend pas. Notre analyse des votes exprimés lors de la dernière législature, publiée sur notre site iPolitics, montre que Jordan Bardella a été le plus irresponsable de toutes les têtes de listes en lice pour les élections avec une note catastrophique de 3,9/20.
La liste Reconquête dirigée par Marion Maréchal aux élections européennes figure en bas de classement en ce qui concerne les intentions de vote, mais aussi en ce qui concerne la prise en compte des enjeux de protection de l’environnement et de justice sociale.
Reconquête fait de l’opposition extrémiste aux politiques écologiques européennes l’un des piliers de sa campagne électorale. Leur manifeste énumère les pires propositions imaginables, de la demande d’abolition du “Pacte vert” européen à l’affaiblissement des directives européennes pour la protection des habitats, en passant par la suppression de l’Agence européenne pour l’environnement et, bien entendu, l’opposition à l’agriculture biologique et la promotion de l’extraction du gaz de schiste sur le territoire européen (qui, rappelons-le, est l’une des énergies fossiles les plus destructrices).
Pas de surprise donc à constater que, sur la protection de l’océan et des pêcheurs, le programme de Reconquête est inexistant. Aucune mesure concrète n’est proposée en faveur des pêcheurs artisans et de leur avenir.
A ce jour, le parti identitaire d’extrême droite est donné, selon les sondages, juste au-dessus du seuil fatidique des 5% des voix. S’il parvient à dépasser ce seuil, Reconquête pourra compter sur 5 parlementaires (ou plus) au Parlement européen, sur une ligne politique contraire à tous les enjeux de protection de l’environnement et de justice sociale.
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À quelques mois des élections européennes du 9 juin 2024, BLOOM dévoile une analyse exhaustive sans précédent : un bilan approfondi et détaillé de la performance environnementale des groupes politiques du Parlement européen ainsi que des délégations nationales formées par les députés issus de 27 nationalités différentes au cours de la mandature 2019-2024.
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Notre évaluation arrive dans un contexte particulier au Parlement où une alliance entre la droite et l’extrême droite appuyée par les libéraux du groupe ‘Renew’ a empêché l’examen de la « Loi sur la restauration de la nature » dans les Commissions de l’Agriculture (le 23 mai) et de la Pêche (le 24 mai).