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20 juin 2024

Répression policière : les ONG déposent plainte à l’ONU contre la dérive autoritaire de la France

Le 20 juin 2024, Extinction Rebellion France (XR), BLOOM, Greenpeace France, Action Justice Climat Paris (ex Alternatiba Paris), Scientifiques en Rébellion et Attac France, avec le soutien des Amis de la Terre France, GreenFaith et 350.org, ont saisi Michel Forst, le Rapporteur spécial de l’ONU sur les défenseur·es de l’environnement, d’une plainte pour dénoncer la répression grave et disproportionnée subie par les militantes et militants ayant participé à la mobilisation du 24 mai devant le siège d’Amundi. Ces faits ont également fait l’objet d’une saisine de la Défenseure des droits, et plusieurs militant·es ont déposé un signalement auprès de l’Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN).

Dans un contexte d’instabilité politique et de percée inédite de l’extrême droite, dont l’arrivée au pouvoir serait synonyme d’un recul délétère pour nos libertés, les organisations dénoncent une dérive autoritaire du gouvernement. Elles rappellent que la désobéissance civile pacifique est un droit protégé au titre du droit international des droits humains et que la répression par l’État “constitue une menace majeure pour la démocratie” selon Michel Forst, qui a également déclaré récemment que “la France est le pire pays d’Europe concernant la répression policière des militants environnementaux1Source : Reporterre, interview du 30 mai 2024 https://reporterre.net/Repression-policiere-des-militants-ecolos-La-France-est-le-pire-pays-d-Europe.

Rappel des faits

Le 24 mai 2024, au moins 400 militantes et militants ont été nassé·es par les forces de l’ordre à la suite d’un rassemblement devant le siège d’Amundi, à l’occasion de l’Assemblée générale de TotalEnergies dont la société de gestion d’actifs est l’un des principaux actionnaires. Au cours de cette nasse policière qui a duré plus de huit heures, 201 activistes ont été placé·es en garde à vue pour des motifs plus ou moins fantaisistes : “groupement en vue de la préparation de violences volontaires ou de dégradations” ; “dégradations lourdes” ; “violences” ; “rébellion” et même “actes de terrorisme”. Certaines de ces interpellations ont été effectuées avec violence (coups, personnes traînées au sol, piétinement). Plusieurs dizaines d’activistes ont également été enfermé·es dans un bus d’environ 18h30 à 22h30 dans l’attente de leur transit vers des commissariats pouvant les accueillir2 Voir le rapport de la LDH : https://site.ldh-france.org/paris/files/2024/06/Note-Amundi-1.pdf ainsi que le récit de Reporterre dans un article du 4 juin 2024 https://reporterre.net/Enfermes-sans-eau-et-sans-WC-a-Green-Dock-et-Amundi-le-calvaire-des-militants-ecolos.

Plusieurs centaines de militant.es ont ainsi fait l’objet d’une mesure de privation de liberté totalement illégale ayant duré plusieurs heures, sans notification de leurs droits et sans respect de leur dignité ni de leurs besoins fondamentaux. Les femmes ont été obligées de se dénuder en public pour soulager leurs besoins physiologiques, interdites par le cordon policier de gagner des toilettes. Ces abus ont été commis sur un ensemble de militant.es qui ne se trouvaient pas dans le cadre d’une garde à vue3Pour rappel, le Conseil d’État estime que l’encerclement des manifestants sauf circonstances particulières est illégal et constitue une atteinte aux droits de manifester et d’aller et de venir (Conseil d’État, 10 juin 2021, Décision n° 444849). Il a rappelé que les policiers ont 4 heures pour établir l’identité de toute personne retenue ; au-delà de ce délai, les forces de l’ordre doivent vous relâcher ou vous placer en garde à vue..

Les violations des droits fondamentaux ont perduré pour les personnes placées en garde à vue : pour plusieurs dizaines d’entre elles, les avocat·es, pourtant désigné·es, n’ont jamais été contacté·es par le commissariat, et la plupart ont été soumises à une fouille corporelle en sous-vêtements autrement appelée fouille intégrale, dont l’usage systématique a déjà été dénoncé par la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté comme des atteintes aux droits des personnes placées en garde à vue4Voir les témoignages publiés par Médiapart le 3 mai 2023 : https://www.mediapart.fr/journal/france/030523/sept-manifestants-racontent-les-fouilles-au-corps-ou-nu-dans-les-commissariats. Sur les 201 arrestations, 196 personnes ont été relâchées sans poursuites suite au défaut de caractérisation d’une infraction ou à l’irrégularité de la procédure.

Le Rapporteur spécial de l’ONU a la possibilité d’enquêter sur les allégations de persécution, de pénalisation ou de harcèlement d’une ou de plusieurs personnes cherchant à exercer leurs droits en vertu de la Convention d’Aarhus5Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement..

Les associations dénoncent des stratégies autoritaires d’intimidation et de renseignement

Les pratiques violentes et abusives de la police cherchent à intimider les militant.es, notamment les plus jeunes, pour les décourager de poursuivre dans la voie de la contestation écologiste, pourtant indispensable à l’heure où la stabilité du climat et de l’ensemble du vivant est mise en péril par la cupidité irresponsable des multinationales. Par ailleurs, la police ne cache plus la visée des opérations menées : faire du renseignement, ficher, identifier les dissidents prêt.es à se mobiliser contre l’ordre libéral. Le climat général est celui d’une banalisation de pratiques répressives incompatibles avec le cadre démocratique.

Pour Clara Gonzales, juriste à Greenpeace France :
Depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, le constat est sans appel : la criminalisation de nos militantes et militants est grandissante et la liberté d’expression s’effrite. Les gardes à vue abusives et rétentions arbitraires ne peuvent devenir la norme ni un outil politique dans un État de droit, qu’il s’agisse des défenseurs de l’environnement ou de toute autre forme de contestation sociale. Ces dérives sont d’autant plus alarmantes dans un contexte de percée de l’extrême droite.

Pour Léa Geindreau, porte-parole d’Action Justice Climat :
Nous dénonçons les violences d’un État qui préfère protéger les intérêts financiers que ses citoyens qui se mobilisent pour une cause légitime. Il est devenu quasi impossible de créer un rapport de force ou un dialogue avec le gouvernement, dont la seule réponse est désormais de réprimer de manière systématique toute forme de contestation, notamment la désobéissance civile. Le fascisme comme les oppressions ne font qu’augmenter ces dernières années, et la décomplexion de la répression laisse craindre le pire si l’extrême droite devait obtenir les clés du pouvoir.”

Pour Juliette Renaud, coordinatrice des Amis de la Terre France :
Nous dénonçons la répression et la criminalisation qui s’abattent de façon croissante sur les militant·es écologistes. Cela participe de la même volonté de les dépeindre comme des ‘éco-terroristes’ afin de tenter de décrédibiliser et délégitimer ces mobilisations qui n’ont pourtant qu’un objectif d’intérêt général face à l’inaction du gouvernement : défendre notre planète, nos biens communs, nos droits, et pointer du doigt les responsables. La multiplication de ces attaques est un témoin de plus de la percée des idées d’extrême droite. Cette dernière n’a jamais caché son hostilité aux luttes écologistes, et ces violations ne feraient que s’aggraver si elle arrivait au pouvoir.

Pour Aymeric Thillaye du Boullay, juriste à BLOOM Association : “La banalisation de ces interpellations préventives et collectives, pourtant illégales, doit susciter la plus vive réaction pour garantir la sauvegarde des libertés d’expression et de manifestation, et plus globalement de l’État de droit. Les évènements du 24 mai dernier ont été une nouvelle illustration tant des attaques répétées contre ces principes fondamentaux que de la criminalisation croissante des défenseurs de l’environnement, largement constatée sous la présidence d’Emmanuel Macron. Dans le contexte actuel si préoccupant de renforcement de l’extrême droite, ces dérives pernicieuses doivent impérativement être condamnées et stoppées.

Pour Youlie Yamamoto, porte-parole d’Attac France :
C’est une répression brutale, disproportionnée et indiscriminée que le pouvoir a déployée au service d’une multinationale responsable de ravages sociaux et écologiques. La criminalisation des militant·es écologistes s’inscrit dans un processus d’aggravation des atteintes aux libertés publiques. C’est l’État de droit qui est remis en cause, au moment même où le chef de l’État offre à l’extrême droite une opportunité unique de prendre le pouvoir. Il faut faire front contre cette dérive autoritaire du gouvernement qui vise à empêcher de revendiquer le droit de tou·tes à mener une vie digne sur une planète habitable”.

Pour Zoé, d’Extinction Rebellion France :
Nos libertés fondamentales s’effritent, en témoigne la répression brutale et croissante contre nos luttes écologistes, héritage de longues années d’impunités policières dont d’autres, camarades des syndicats, des quartiers, trans, racisé·es, gilets jaunes, ont fait les frais.
Contre ces attaques, notre meilleure défense reste notre union – nous continuerons donc le travail de convergence. À la répression des intérêts complices du capital et du gouvernement, nous opposerons un front de luttes solidaires, pour un avenir et une société viables et désirables”.

Pour Olivier Aumont, de Scientifiques en Rébellion :
Nous dénonçons vivement la répression brutale et aveugle ainsi que la criminalisation croissante des luttes écologiques qui n’ont pourtant pour seuls buts que la défense de l’intérêt commun, la préservation d’une planète vivable pour l’ensemble de l’humanité et du vivant, l’assurance d’un avenir juste et heureux et l’expression de la connaissance scientifique telle que la communauté scientifique académique, à laquelle nous appartenons, la produit. Devant ces attaques croissantes contre les luttes écologiques et sociales légitimes, il est de notre devoir de les condamner vivement, de tout faire pour qu’elles soient stoppées et de préserver à tout prix la liberté d’expression et de manifestation garantie dans tout Etat de droit.

Pour Martin Kopp, porte-parole de GreenFaith :
Nous dénonçons fermement la répression grandissante qui s’abat sur des personnes engagées pour un futur qui ait de l’avenir. Nous constatons sur le terrain l’intimidation et le harcèlement des militant·es depuis la France jusqu’à l’Ouganda et la Tanzanie, où est prévu le projet EACOP de TotalEnergies. Elles sont l’ombre aux pieds des porteurs de l’injustice climatique. À travers la diversité de nos traditions spirituelles, nous disons notre commune solidarité avec les réprimé·es, avec un souci particulier pour les personnes minorisées, et demandons la fin immédiate de ces agissements”.

Pour Fanny Petitbon, Responsable France, 350.org :
Des violences à Sainte-Soline aux répressions contre le mouvement militant de soutien à la Palestine, en passant par l’Assemblée générale de TotalEnergies, la France s’illustre malheureusement comme l’un des pires pays d’Europe en matière de répression policière envers ses populations marginalisées et désormais aussi à l’encontre des militant·es pour l’environnement et la défense du vivant. Alors qu’il n’a jamais été aussi urgent de mettre un terme aux activités destructrices des multinationales fossiles, nous continuerons inlassablement à nous mobiliser pour la justice climatique et sociale. Nous dénoncerons sans relâche les dérives intolérables de ce pays qui se veut pourtant la ‘patrie des droits de l’Homme’!’”

Crédit image : @regard_brut / le 24 mai 2024 devant le siège d’Amundi

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