Faut-il se fier aux écolabels des produits de la mer pour consommer du poisson de manière responsable ?
Les labels ont le vent en poupe au rayon des produits de la mer. En à peine dix ans, une vingtaine de logos a envahi le marché français. Pourtant, notre recul sur d’autres secteurs certifiés (agroalimentaire, bois etc.) montre que ces labels ne sont pas toujours aussi vertueux que leur marketing le laisse entendre. Le dilemme de la labellisation : se servir du marché sans céder à la tentation de ne procurer qu’un simple avantage commercial.
Au-delà de la confusion créée par le grand nombre de labels, le problème vient surtout du manque de sérieux de la plupart de ces initiatives qui induit le consommateur en erreur en attribuant à certains produits des qualités qu’ils n’ont pas : certains logos — souvent créés par les marques elles-mêmes — sont totalement opaques. Il est donc impossible d’en évaluer la fiabilité.
Même lorsque le label fait preuve d’un minimum de transparence et de rigueur, celui-ci n’est pas forcément garant d’une «pêche durable».
Le Marine Stewardship Council (MSC) en est le parfait exemple : en situation de quasi- monopole, il a déjà certifié comme «durables» de nombreuses pêcheries en dépit de la science. Aujourd’hui, le MSC signe des partenariats avec des géants de la consommation comme Carrefour et McDonald’s, qui s’engagent à un approvisionnement «100% durable». Ces objectifs de parts de marché rendent impossible l’identification d’alternatives réellement durables et ne laissent pas la place à de nouveaux labels plus vertueux.
En raison de l’investissement financier que requiert une démarche de certification, les écolabels restent la plupart du temps inaccessibles aux pêcheurs artisans. Ils représentent pourtant le plus fort potentiel de « pêche durable ». Il existe ainsi une distorsion de marché en faveur des produits issus de pêcheries industrielles de pays développés.
Bien qu’il existe quelques standards internationaux liés à la certification des produits de la mer, il ne semble y avoir aucun recours réel contre les certifications abusives ou contre une entreprise qui décide de qualifier ses propres produits comme étant issus d’une « pêche durable » sans contrôle externe. Pour l’acheteur non averti : impossible de faire la distinction entre les macarons vides de sens et un écolabel vertueux.
Les citoyens veulent savoir quels poissons consommer et comment agir à leur échelle pour préserver l’océan. Parmi les questions qui sont régulièrement posées à BLOOM, celle concernant la fiabilité des labels est parmi les plus récurrentes.
À l’instar des débats que suscite le label de l’agriculture biologique, il est essentiel que la société civile garde une emprise sur le sujet des labels de « pêche durable » pour éviter les certifications abusives et un accaparement de la durabilité par des industriels, au détriment de pratiques réellement vertueuses. Au niveau international, les pouvoirs publics se positionnent sur la question des écolabels des produits de la mer, mais il est important que les ONG et la société civile entrent dans le débat avant de mettre la barre plus haut et de permettre d’orienter la certification vers des pratiques de pêche qui soient en adéquation avec l’intérêt général.
L’étude de BLOOM est destinée à analyser le cahier des charges et le fonctionnement de l’écolabel MSC (Marine Stewardship Council), leader mondial des labels certifiant les produits de la mer. Elle se fait en parallèle d’un travail de veille scientifique sur la certification abusive de produits de la mer et sur une réflexion plus large autour du développement des écolabels certifiant les produits de la mer.
Frédéric Le Manach – Directeur scientifique
Fondation du Judaïsme français, Fondation 2050, Fonds Meyer Louis-Dreyfus, les donateurs individuels